Newsletter édition spécial - Guillaume Aghroum


Guillaume est mon seul pote français à Kigali (enfin pour le moment :)) 


Guillaume devant un tableau de Kenneth (vive l'autopromotion :))
Avec Guillaume, on s'est rencontrés dans mon cours de kinyarwanda, et j'étais très contente de croiser enfin un Français (je crois qu'il y en a beaucoup ici mais je les ai pas encore vraiment trouvés, il faudra que je cherche plus intensément). Si j'ai été capable de comprendre certaines expressions en kinyarwanda, c'est grâce à lui, parce qu'on s'est toujours amusés à trouver les correspondances et les traductions en français (et bien sûr aussi les faux amis :)).

Guillaume est arrivé au Rwanda fin octobre 2017, pour son service civique, et il doit rester jusqu'en août. Il avait prévu de ne faire aucun aller-retour, finalement il en fera un quand même, ce qui me paraît quand même très peu vu qu'il a laissé sa fiancée en France. Mais il paraît que l'amour est plus fort que tout :). 
Alors, Guillaume, d'où viens-tu, quel est ton parcours?
De Versailles ! J'ai un peu vadrouillé et déménagé mais en gros je viens de la région parisienne. J'ai fait  deux prépas hypokhâgne et une khâgne. On n'a pas le droit d'en faire deux mais j'ai perdu ma première année au lycée militaire d'Aix à cause de mes problèmes d'yeux - je suis très myope et je voulais être parachutiste, pilote d'hélicoptère ou plongeur. Le médecin militaire m'avait dit que c'était bon, or, ça ne l'était pas et j'ai perdu mon temps. J'ai donc refait une année dans un lycée civil mais sans trop savoir ce que je voulais faire - j'avais toujours voulu rentrer dans l'armée et c'était désormais impossible.

Heureusement, j'ai ensuite trouvé l‘ISMAP - Institut supérieur du management public et politique - et je me suis dit que j'allais travailler pour l'intérêt général. Au lieu de défendre les gens, j'allais travailler pour eux, faire de l'humanitaire ou du solidaire. 
J'ai eu mon diplôme l'année dernière en  juin et pendant mon camp de scouts l'été, je réfléchissais à l'étape d'après. Et en fait, un de mes rêves a toujours été de bosser pour les scouts. Ca fait 14 ans que j'y suis, d'abord en tant que jeune puis en tant que chef, et je me suis dit que travailler pour eux serait vraiment un accomplissement. Et j'ai vu qu'ils faisaient des services civiques, et il y avait le Rwanda. Et moi je connaissais déjà un peu la région des Grands lacs parce que l'année d'avant, pendant mon stage de master, je travaillais pour une ONG qui construit des universités dans les camps de réfugiés et leur centre était dans la région. J'y étais allé, j'avais passé deux semaines au Burundi et en Tanzanie.

Donc je me suis dit : j'ai l'âge, je ne sais pas ce que je veux faire de toute façon, ça me permet de bosser pour les scouts et c'est la dernière occasion de partir à l'aventure avant le mariage. Et j'ai foncé ! 
Qu'est-ce que tu fais exactement au Rwanda? Je sais que tu m'as déjà expliqué, mais j'ai toujours du mal à retenir...
Alors j'ai quatre activités : 
- je travaille sur le développement et l'optimisation des partenariats de l'association des scouts rwandais. C'est ce qui me donne le plus de boulot, parce que je considère que c'est là où j'ai le plus d'impact.

- je développe un programme de protection d'environnement, parce qu'il y a beaucoup d'enjeux autour de ça au Rwanda.

- je développe aussi un programme de jeu - à ce propos, c'est eux-mêmes qui ont demandé ça parce que quand ils sont venus en France, ils ont vu qu'on fait beaucoup d'apprentissage par le jeu, qu'à chaque fois qu'on veut apprendre quelque chose, on a bien sûr des sortes de “cours magistraux” mais surtout des jeux. Ici, ils ne jouent pas. Ils chantent, ils ont de petites activités mais ils ne jouent pas à la bale au prisonnier pour occuper le temps, quand ils veulent occuper le temps, ils s'assoient et ils parlent. Et ça leur manque de ne pas jouer. Ils ont donc demandé à ce que quelqu'un vienne pour leur transmettre ça. Mais l'idée c'est aussi que je m'inspire de ce qu'ils font, eux. Ils ont par exemple quelque chose qui s'appelle les compétitions inter-patrouilles, d'abord nationales et ensuite internationales, qui sont très intéressantes - les équipes doivent installer leur camp, tout faire en autonomie - décider où sera le feu, les toilettes, les douches, les tentes… ils ont aussi des concours sur les noeuds, les rédactions à faire… et ils sont notés sur tout ça. En France, on ne fait pas de compétition comme ça ! Mais en fait c'est aussi un excellent moyen d'apprendre.

- je prépare l'accueil des scouts français qui vont venir faire un projet de solidarité cet été. J'ai deux équipes qui vont venir pendant un mois. La première équipe va aider à la rénovation du QG des scouts rwandais et aussi faire des activités avec des enfants autistes qui vivent dans le centre de l'association Autisme Rwanda. Et la deuxième équipe va aller au Centre de scouts rural de développement - il y en a 5 au Rwanda et à l'origine ils étaient fait pour des jeunes défavorisés, des enfants de rue, qui venaient pour y apprendre le scoutisme mais aussi un métier. Ca a été arrêté à cause de problème de fonds et on essaye de les faire réouvrir. Mon équipe va donc y aller pour y construire un centre d'irrigation, qui va rapporter des fonds aux scouts, un terrain de basket, pour que ça bénéficie aussi aux populations autour, et réparer une petite maison qui servira de bureau.

[Ci-dessous vous pouvez lire un peu plus sur les activités de Guillaume!] 
Rwanda, French Scouts Driving Reconciliation In Communities – KT PRESS
Mais en fait les scouts du Rwanda et de France, c'est la même chose ?
Pas tout à fait. Dans le scoutisme, il y a les organisations des scouts et des guides - donc des garçons et des filles. Au Rwanda, il y a l'organisation des scouts du Rwanda et l'association des guides du Rwanda, qui sont séparées. En France, les deux ont fusionné il y a quelque temps.

Toutes ces associations nationales sont reconnues par deux fédérations internationales : l'Organisation mondiale du scoutisme et l'Association mondiale des guides et éclaireuses. Mais les différentes associations nationales ont beaucoup de liberté, il y a donc beaucoup de différences.

Par exemple, ici, les groups des scouts et guides sont dans les écoles. On ne fait pas de groupes en dehors des écoles. En France, ça n'existe pas, c'est souvent lié à des paroisses. Mais c'est la même idée de faire grandir les jeunes, leur apporter de quoi être autonomes, actifs et artisans de la paix.
Est-ce que tu t'y plais au Rwanda? Tu as aussi visité le Burundi, qu'est-ce que tu préfères? :)
Franchement, en ce moment, j'en ai un peu ras-le-bol, j'ai envie de retourner en France pour voir ma fiancée   [l'entretien a été fait avant que Guillaume ne retourne en France, mais en ce moment il y est déjà et il paraît très heureux :)]

Et j'ai aussi eu une expérience pas très sympathique récemment, j'ai eu un rat dans ma chambre… enfin je ne sais pas si c'était un rat ou une souris, mais avec sa queue il devait faire 15-20 centimètres.  [Juste pour préciser : Guillaume habite à Niamiyrambo, qui est une partie de Kigali un peu plus… on va dire plus locale que la mienne, et il m'avait déjà avoué qu'il n'avait pas l'eau chaude un jour sur deux et que l'électricité était un peu intermittente aussi].   Normalement j'essaye de ne pas tuer les bestioles, mais là c'était vraiment trop - j'étais en train de regarder un film, sur mon matelas posé par terre, et je vois dépasser sa petite tête du placard… en plus c'était au moment où je croyais que j'avais le palu, donc j'avais un peu de fièvre et j'étais pas bien. Alors j'ai sorti le balais, je l'ai pourchassé, parce que je me suis dit que si je le tue pas, il va revenir ! A un moment donné, il était coincé dans la douche et j'en ai profité pour le tuer - c'était quand même un peu absurde comme situation.

Je pense que c'est mon pire souvenir du Rwanda. Parce que franchement, il n'avait rien à faire là, il avait peut-être des maladies et en même temps je ne voulais pas le tuer ! En France, je l'aurais sorti dehors tranquillement mais ici, j'avais trop peur qu'il revienne.

Sinon j'ai aussi des lézards, mais ils sont sympas, parce qu'ils mangent les moustiques, et des cafards, qui sont moins sympas. Mais maintenant c'est fini, j'en ai marre, je ne veux plus qu'il y ait de bestioles dans ma chambre.

Mais pour revenir à ta question, je préfère quand même le Rwanda ! Au Burundi, c'est quand même un peu tendu en ce moment, on ne peut pas sortir à pied dans la rue, on doit être tout le temps à l'intérieur, c'est oppressant. Il y a des militaires dans la rue, j'en ai même vu qui avaient des lance-roquettes. On ne peut pas parler librement, la population est en train d'être affamée…

Le Rwanda, c'est très différent. Au Rwanda, je me sens safe partout, même plus qu'à Paris. Ce qui est un peu compliqué et ce qui commence à me gêner en ce moment, et surtout dans mon quartier, c'est le regard des gens - en tant que blanc dans un quartier local, je ne passe pas inaperçu et c'est un peu lourd au bout d'un moment. J'ai envie de redevenir anonyme, d'être à Paris, de me balader tranquillement. 
 [Je disais à Guillaume qu'il fallait qu'il vienne habiter à Kaciyru, que là-bas même les blancs sont anonymes, mais il ne peut pas se le permettre avec son salaire de service civique…]
Qu'est-ce qui t'a marqué au Rwanda, c'est quoi ton meilleur souvenir ?
Il y a plein de trucs géniaux.

Par exemple, le goût des fruits, et la découverte de nouveaux fruits. C'est banal, mais c'est tellement différent ! Et il y en a qu'on connaît pas, genre le tree tomato   [tamarillo en français, je ne connaissais pas non plus avant de venir en France - je vous mets une photo ci-dessous au cas où]

Et d'ailleurs je me suis dit qu'il faudrait exporter ses fruits et du coup je suis en train de développer un business avec un pote rwandais pour exporter les fruits en France ! 
Un de mes meilleurs souvenirs c'est aussi la forêt tropicale de Nyungwe, où on peut voir des chimpanzés. D'ailleurs j'y ai rencontré Natacha   [une pote du cours de kinyarwanda aussi, qui fait sa thèse de doctorat sur les chimpanzés et qui passe deux semaines sur quatre dans la forêt tropicale en observation].
Merci beaucoup Guillaume ! Et bonjour depuis Kigali ! :)

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