Newsletter édition spéciale - Zuzana Machova


Ma pote Slovaque de Sciences Po :) 


Pas mal d'entre vous m'ont dit qu'ils avaient trouvé ça marrant que je rencontre une Slovaque de Sciences Po à Kigali et qu'ils aimeraient en savoir plus sur elle. Voici donc l'édition spéciale consacrée à Zuzka! 
Je ne vous refais pas l'histoire de notre rencontre, tout ce qu'il faut savoir c'est que c'était un hasard complet :) Et que je serai bien triste quand elle repartira en août pour poursuivre ses aventures en Tanzanie. 
Alors, Zuzana, d'où viens-tu, que faisais-tu avant de venir au Rwanda?
Je viens de Kosice, en Slovaquie, et avant de venir au Rwanda, j'ai vécu pendant neuf mois en Ouganda, où je travaillais pour le    Programme alimentaire mondial, qui est une branche de l'ONU. Et entre l'Ouganda et le Rwanda j'ai pris un mois pour voyager au Kenya et en Tanzanie.
Que faisais-tu avant de venir en Ouganda?
J'étais en France, à Sciences Po. Je suis venue en France après mon bac, j'ai passé deux ans à Dijon, où Sciences Po a un campus est-européen, ensuite j'étais à Dublin pendant un an, et puis à Paris, pendant 2 semestres, avant de partir en Afrique. 
J'ai choisi Sciences Po parce que je ne voulais pas faire mes études universitaires en Slovaquie, parce que je voulais étudier les relations internationales, et parce que je parlais français. Du coup je n'avais pas trop d'autres options ! Et en plus, je ne savais pas trop ce que je voulais faire plus tard et pour ça Sciences Po est idéal :) 
Et du coup, t'as juste décidé comme ça que tu voulais faire une année de césure en Afrique ?
Oui. Quand j'ai commencé le master, je savais que je voulais travailler dans des relations internationales ou dans le développement, mais je n'avais pas de projet concret. Je me suis dit que j'avais besoin d'une année de césure pour voir concrètement ce que cela veut dire sur le terrain et pour préciser un peu mon projet professionnel.
Et le choix de l'Afrique… c'est un continent qui m'a toujours intéressé. Dans le cadre de mon Master (le master relations internationales, ou   PSIA , The Paris School of International Affairs) j'ai pris la spécialisation “African studies”. Et je connaissais aussi un peu l'Afrique de l'Ouest, parce que j'ai passé quelque temps au Togo. Et je voulais vraiment découvrir l'Afrique de l'est, ça m'intéressait de comparer les deux. J'ai postulé pour le Programme alimentaire mondial au Sénégal et en Ouganda, et c'est finalement l'Ouganda qui a marché. J'ai aussi sérieusement cherché au Kenya et en Ethiopie, mais ça n'avait rien donné. 
Et qu'est-ce que tu fais au Rwanda ?
Je travaille pour une ONG qui s'appelle   Search for Common Ground et qui fait du peace building (consolidation de la paix en français, mais ça sonne bizarre) et de la résolution de conflits. Elle est présente dans 36 pays, dont le Rwanda. Je les aide à structurer des projets, à faire des études préliminaires ou des analyses des programmes existants. 
J'ai trouvé le stage assez facilement, parce que j'avais une amie qui avait déjà fait un stage chez eux et qui m'a mise en contact avec la directrice. Elle m'a fait passer un seul entretien et c'était bon ! 
Du coup je suis là pour un stage non rémunéré de 4 mois.  
Et ensuite ?
J'aime bien travailler dans des environnements différents, et dans des pays différents, du coup je vais enchaîner avec un stage en Tanzanie. Je vais faire du monitoring et de l'évaluation pour    Anza, qui est une ONG qui aide les entrepreneurs à développer leurs activités (c'est un ancien partenaire d'African Entrepreneur Collective, qui est l'ONG qui chapeaute Inkomoko au Rwanda. Ils avaient lancé ensemble une branche en Tanzanie, mais le partenariat n'a pas marché). Je vais probablement aider les entrepreneurs à développer leur propre système d'évaluation et de monitoring. 
Et tu préfères le Rwanda ou l'Ouganda ?
Haha, c'est une question difficile. Je pense que j'ai passé trop de temps en Ouganda - je connais le pays relativement bien, et du coup, je le préfère au Rwanda. J'aime bien comment les gens communiquent, je trouve que c'est plus facile de se faire des amis. Quand je suis arrivée au Rwanda, je connaissais déjà des gens, des amis d'amis, donc ça allait. En Ouganda, quand je suis arrivée, je connaissais une seule personne, mais les Ougandais sont plus ouverts que les Rwandais et du coup j'ai pu me faire pas mal d'amis, et de bons amis - ce ne sont pas juste des relations superficielles, ce sont des gens sur qui je peux vraiment compter. 
La vie à Kampala était très différente. Là-bas, j'étais dans une colloc où on était cinq, ici j'habite dans la maison de ma directrice, et même si j'ai une entrée séparée, l'ambiance est quand même différente. 
Et puis Kigali est une ville très bien organisée, très calme, et ça me repose après l'Ouganda! 
En plus en Ouganda j'ai vraiment voyagé partout dans le pays, donc il faudrait que je te redise quand j'aurai un peu bougé au Rwanda - quand je serai allée au moins à Musanze et à Gisenyi!
C'est quoi ta meilleure expérience de l'Afrique de l'est ?
J'en ai pas mal. Quand je travaillais pour le Programme alimentaire mondial en Ouganda, on allait pas mal sur le terrain. Et je suis par exemple allée plusieurs fois dans la région de Karamoja. Pour y aller, c'était compliqué parce qu'il n'y a pas de vraies routes, c'est la campagne, le trajet dure 7 à 9 heures. Les gens y vivent de manière traditionnelle, et parfois on allait dans de petits villages éloignés, ce qui était vraiment une expérience très authentique. On y allait, on leur posait des questions, et on rassemblait des données - on mesurait par exemple les enfants pour calculer les différents indicateurs de malnutrition (food security index, moderate acute malnutrition et severe acute malnutrition). 
Mon endroit préféré en Ouganda c'est le lac Bunyonyi - j'ai de très beaux souvenirs des weekends que j'y ai passés avec des amis. 
Sinon il y a aussi une île qui aujourd'hui est probablement déjà sous l'eau, qui s'appelle Hairy Lemon, dans le Victoria Nile (le Nil blanc, un des embranchement du Nil). C'est un endroit trop bien pour se ressourcer, se reposer, se baigner, jouer au volley… Après, une amie y a attrapé la    bilharziose(la bilharziose c'est une maladie parasitaire causée par un ver qui rentre dans le corps par la peau, et qui passe ensuite quelques mois à voyager dans l'organisme pour atteindre un organe, en général les reins ou le foie). Moi j'ai rien eu, du coup j'aime toujours bien l'endroit. Mais c'est une maladie sérieuse, mon amie a dû être hospitalisée pendant plusieurs jours… 
Et la pire expérience ?
Je ne sais pas, j'étais heureuse en Ouganda la plupart du temps… 
Ah si, le pire souvenir c'est quand j'allais rendre visite à une amie qui habitait à Fort Portal et que j'étais en retard pour sortir du boulot - du coup j'ai pris le bus relativement tard, vers 19h. La route est assez longue, normalement c'est 4 ou 5 heures, nous on a mis 7 ou 8 heures, et je suis arrivée à 2h du matin au lieu de 23h… 
Mais ça ce n'était pas encore le pire. Le pire c'est quand on a failli se renverser avec le bus. Comme souvent en Afrique, la route était mauvaise et il y avait un moment où on roulait assez vite et le chauffeur a dû être fatigué, bref - on est sortis de la route, une des roues a atterri sur une bosse et le bus a perdu l'équilibre pendant un court instant, et a failli se renverser. Tout le monde s'est réveillé, il n'y avait pas de ceintures dans le bus, évidemment, alors on s'est tous pris par la main et on a retenu notre souffle… et puis le bus s'est stabilisé et il est retombé du bon côté. 
Tu vas faire quoi quand tu vas revenir en Europe ?
Je reviens en novembre, et je vais rester un peu en Slovaquie pour réfléchir à ce que je veux faire dans la vie. Ensuite je dois finir mon semestre, qui commence en janvier. Et ensuite je ne sais pas ! Il y a plusieurs choses qui m'intéressent. 
Soit je vais me spécialiser sur l'Afrique soit je vais choisir une spécialisation thématique : la sécurité alimentaire, ou l'agriculture (plus précisément le soutien au développement des petits agriculteurs), ou le peace building environnemental - c'est la consolidation de la paix, mais liée aux enjeux agroalimentaires, et au réchauffement climatique. Ou bien la violence contre les femmes et la gender-based violence (et là, je me rends compte que le français n'a pas de terme satisfaisant pour cette expression anglaise. Linguee me propose violence à caractère sexiste, mais je n'aime pas trop. Du coup je laisse en anglais !). 
Sur le dernier sujet, j'ai fait un projet collectif. On a créé une    plateforme ouverte   sur laquelle tout le monde peut participer - en envoyant un enregistrement audio ou vidéo dans lequel ils répondent aux 11 questions  sur le thème de la violence - par exemple comment ils perçoivent la violence, quelle est leur définition de la violence, si dans leur pays la violence contre les femmes est tolérée, voire incitée, si dans ce contexte ils préfèreraient avoir un fils ou une fille, etc. 
Le projet a été financé par l’Université de Descartes   -   Centre de recherche Villerme Virchow   et bientôt on va avoir un documentaire récapitulant toutes les réponses qu'on va publier en ligne. Jusque là, on a eu plus de 100 participations de 25 pays différents. 
Si vous voulez participer ou si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire sur    mappingviolenceproject@gmail.com
(Je vous mets ici le lien de leur plateforme, allez voir et participez, c'est très intéressant !)
MAPPING VIOLENCE
Mais en fait, avant de chercher un boulot, je pense que je vais profiter de mes derniers mois de liberté et partir pendant 3 mois en Asie. C'est un continent que je n'ai pas encore exploré et que j'aimerais bien visiter. 
Rien n'est encore décidé mais si j'ai l'opportunité de le faire, ça serait vraiment bien ! 
Merci beaucoup, Zuzka ! Je te souhaite bonne chance dans tes prochaines aventures !

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