Petites bribes de ma vie à Kigali et d'autres curiosités 💞

National heroes day
Le 1 février est le jour national des héros au Rwanda et tous les rwandais commémorent les héros qui sont morts pour la nation.

Les héros rwandais sont rangés dans 3 catégories : Imanzi, Imena et Ingenzi (ou ils aiment les termes en “I” ici; vous avez aussi Irembo, qui est le portail numérique du gouvernement, igitabo, qui veut dire cahier, icara, qui veut dire s'assoir, et plein d'autres; mais pardon, je digresse et ce n'est pas très respectueux).

Les Imanzi sont ceux qui ont combattu pour la nation et qui en ont payé le prix le plus grand. Ici on trouve par exemple le général Fred Rwigema, un des membres fondateurs du Front patriotique rwandais, l'armée rwandaise d'exil qui a renversé le gouvernement génocidaire dans les années 90 (l'histoire de cette armée constituée par la diaspora tutsi est assez fascinante, je vous ferai un article dessus bientôt). Il a été tué en 1990, âgé de 33 ans, le deuxième jour de l'offensive qu'il a mené depuis l'Ouganda contre le gouvernement rwandais et qui a marqué le début de la guerre civile rwandaise. 
Dans cette catégorie, on trouve aussi le soldat inconnu, qui représente tous les soldats morts pendant la guerre civile rwandaise.

Dans la deuxième catégorie, Imena (qui est aussi le nom d'une marque de lait fermenté dans le pays, je signale ça juste au passage), se rangent ceux qui ont fait de grands sacrifices pour le pays, comme Agathe Uwilingiyimana, la première ministre au moment du génocide, qui en a été une des premières victimes. 
Ici, on trouve également - et tragiquement - les étudiants de l'école secondaire de Nyange, qui ont été attaqués par les milices Interahamwe lors des derniers jours des combats, le 18 mars 1997, et dont 6 sont morts. Il y a eu beaucoup d'incidents de ce genre vers la fin de la guerre, et celui qui me paraît le plus horrible et en même temps le plus porteur d'espoir est celui qui s'est passé à l'école belge à Gisenyi le 30 avril 1997. Les milices ont ordonné aux filles logées à l'internat de l'école, après les avoir réveillées en plein milieu de la nuit, de se séparer en deux groupes - les Tutsi et les Hutus. Les filles ont refusé, disant qu'elles étaient simplement rwandaises… 17 d'entre elles ont été tuées, ainsi que la religieuse belge qui les accompagnait.

La dernière catégorie des héros, les Ingenzi, est un peu plus obscure - il s'agit des personnes qui sont vivantes mais la liste de leurs noms n'a pas encore été publiée.

Sinon, pour parler concrètement, il y a eu une petite commémoration à Kigali au mausolée des héros nationaux à Remera (qui est une partie de Kigali juste à côte de Kacyiru, là où j'habite, mais j'ai pas assisté à la cérémonie). Et par ailleurs, il y a eu toute une campagne dans la semaine qui a précédé, pour sensibiliser les Rwandais aux valeurs véhiculées par ces héros, qui sont les principales valeurs rwandaises : l'unité, le travail, le patriotisme, l'intégrité (ça ressemble un peu aux valeurs de Vichy, mais je peux vous assurer que le contexte est fondamentalement différent; comme quoi les termes ne veulent pas dire la même chose dans toutes les bouches et dans toutes les époques). 

La cérémonie à Remera, derrière le stade de Kigali
Un mariage rwandais
Un sujet qui n'a rien à voir mais un collègue à moi m'a invitée au mariage de sa cousine ce samedi. Eh bien, je peux vous dire que c'était une chouette expérience, mais que je ne suis pas prête à le refaire de si tôt :)

C'était un vrai mariage villageois, dans un village perdu dans les collines à une heure et demi de de Kigali, où on était accueillis dans le jardin des parents de la mariée, sous des tentes improvisées pour l'occasion, à côté de la minuscule maison à une pièce, derrière laquelle, comme j'ai eu l'occasion de découvrir lors de mes nombreuses excursions aux toilettes (qui par ailleurs se résumaient à un trou dans le plancher) il y avait deux vaches, une poule avec plein de petits poussins et une quantité de mouches, qui ont entrepris d'émigrer vers nous le temps de la cérémonie, ce qui était vachement sympa de leur part.

Le matin se déroulait ce qu'on appelle l'introduction, où les deux familles sont assises d'un côté et de l'autre du jardin, et où la famille du marié envoie des émissaires pour demander au père de la mariée la main de sa fille. Et bien sûr, il y a des cadeaux. Dans ce cas précis, c'était des cadeaux plus que surprenants : le premier était une bouteille d'alcool fort (jusque là, tout va bien), mais comme ça ne suffisait pas, ils ont rajouté une bouteille de Fanta (ah bon?) puis une bouteille de Sprite (sérieux, depuis quand des boissons gazeuses sont devenues une monnaie d'échange pour les filles? :D). Au bout de deux heures de négociations, de sorties théâtrales, et de grands efforts de la part du maître de la cérémonie, les deux familles ont trouvé un accord et les mariés ont pu se passer la bague au doigt et faire un toast avec le vin nuptial (ça, c'était fait en 5 minutes, même pas).

Ensuite c'était le tour de la cérémonie à l'église, mais je ne pourrai pas vous la décrire, parce que mon collègue n'a pas réussi à trouver de voiture pour nous. Nous sommes donc restés avec une centaine d'autres personnes dans le jardin à ne rien faire pendant environ 3 heures. Heureusement que j'avais pris un livre! :D Mais sinon le fils de mon collègue nous amusait bien pendant tout ce temps… n'ayant jamais vu de blanc de sa vie (à sa décharge il faut dire qu'il a un an et demi), il se mettait à pleurer à chaque fois qu'il me voyait de plus près que de 3 mètres. A un moment donné on s'est retrouvés côte à côte, et avant de pouvoir lever la tête et voir qui j'étais, il m'a touché par inadvertance le mollet. C'était à peu près le plus près que j'ai pu l'approcher (et encore, quand il a compris que c'était moi, il est devenu inconsolable).

Je vous passe les autres détails, comme la centaine de villageois qui n'étaient pas invités mais qui ont accouru dès qu'ils ont vu qu'il y avait un mariage et qui sont restés durant toute la cérémonie, le repas très frugal constitué de pommes de terre et de riz dans un bol en plastique, les enfants de la rue demandant de l'argent, la route cabossée qui menait au village et qui a fait qu'on a mis 45 minutes à faire 5 kilomètres… Et je vous passe surtout le fait qu'on était censés partir à 7h30 et qu'on est partis à 9h et que j'ai attendu pendant 45 minutes à un arrêt de bus parce que le frère de mon collègue qui était censé m'amener arrivait “dans 5 minutes” :D (Je sais je ne devrais plus être étonnée par ce genre de choses).

Bref, c'était une expérience riche et sympathique (surtout quand les gens essayent de vous parler en kinyarwanda et que vous êtes capable de comprendre un peu et même de répondre), mais un peu fatigante (lever à 6h, plus de 4h de route, un soleil de plomb et un repas qui ne m'a absolument pas suffi pour la journée) et parfois extrême (ça c'est quand vous êtes obligés de faire pipi dans un trou à côté des vaches ou qu'une dame pauvre visiblement folle vous demande de l'argent avec beaucoup d'insistance et commence à fouiller dans votre sac à main).

Voici quelques photos pour que vous vous fassiez une idée vous-mêmes !

Les villageois qui sont venus voir le mariage

Le père de la mariée avec la corbeille des cadeaux

Le Sprite!

Les femmes apportent d'autres cadeaux

La mariée amenée par son frère

Ca y est, ils sont mariés !

Le père reçoit un chapeau et une canne

La mère un serre-tête

Le vin nuptial

Encore des cadeaux

Les mariés

La pièce montée

Une chanson composée pour les mariés

Mon collègue, sa femme et son fils, qui préfère ne pas me regarder

Le village

Vous me voyez au fond ?

La preuve que j'y étais !
Ma petite communauté tchèque à Kigali
J'ai rencontré des Tchèques ici ! Alors normalement je ne suis pas trop à la recherche de mes compatriotes, qu'ils soient Français ou Tchèques, mais c'est pas toujours facile de se trouver des amis à Kigali (surtout si vous traînez tout le temps en tête à tête avec votre copain). Et donc quand j'ai vu sur un des groups de Kigali sur Facebook le post de quelqu'un avec un nom très clairement tchèque, je n'ai pas hésité à faire un message :)

Et elle m'a dit qu'il fallait que je vienne faire du bowling avec eux, qu'ils ont un petit groupe de Tchèques ici, qui se réunit assez souvent. J'ai été toute excitée jusqu'à ce que je découvre que le groupe était composé d'elle, d'un autre mec et de deux autres personnes mystérieuses qui ne sont pas à Kigali mais quelque part ailleurs dans le pays. Ca fait donc 5 avec moi. Pas mal comme bilan pour la diaspora tchèque au Rwanda, non ?

Je précise que nous avons un consulat ici mais il n'y a pas d'employés tchèques, juste une dame rwandaise qui fait je ne sais pas trop quoi, et je me demande comment elle peut gérer les problèmes des touristes tchèques qui échouent dans ce pays sans parler la langue, mais qui sait, peut-être que ça marche. Ou peut-être que c'est juste parce qu'on a pas autant d'argent que la France pour avoir des ambassades partout dans le monde :P.

Sinon quelques mots sur ce que fait Petr, qui est là depuis 3 ans. Il a créé une ONG qui permet aux handicapés de se réinsérer dans la société rwandaise, notamment en leur procurant un job simple (ils font des paniers et de la peinture), en leur enseignant l'anglais et en payant la scolarité de leurs enfants. C'est vraiment assez sympa, surtout quand on sait qu'au Rwanda, les handicapés ne sont pas considérés comme des gens normaux, mais comme des personnes à part, complètement différentes des personnes valides. L'objectif est donc de montrer à la société que ce sont des gens comme les autres, qui peuvent avoir un boulot et s'insérer très bien dans la société.

Je vous mets ci-dessous les photos du cours de yoga que je suis allée faire avec eux, et à part le fait que c'est à l'autre bout de Kigali par rapport à là où j'habite (20 minutes de moto, c'est vraiment vraiment beaucoup ici), c'était très sympa :).

L'ONG s'appelle Talking through art si vous voulez regarder:    http://talkingthroughart.org/

Talking through art et leurs paniers et tableaux

Le cours de yoga avec Marie

Petr et Marie, mes amis tchèques
La terre tremble souvent ici
Il y a eu un tremblement de terre à Kigali il y a deux semaines ! Un petit, en dessous de 4, mais ça m'a quand même fait bizarre. Alors j'a d'abord pensé que c'était le vent (oui, oui, un vent très fort qui ferait bouger la maison, tout va bien), mais après je suis allée voir sur Facebook et j'ai réalisé que je n'étais pas folle, que c'était bien un tremblement de terre. C'est assez fréquent ici, le dernier a eu lieu en novembre (mais je l'ai complètement zappé à l'époque), donc il vaut mieux que je m'habitue !

Sur ce, je vous souhaite un bon dimanche et je vais me préparer à la goat party organisée par mes collègues (je vous ferai un compte-rendu la prochaine fois mais en gros le programme est de manger des brochettes de chèvre et de boire de la bière ;). 

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